La nuit du Nouvel An, seigneurs, gentilshommes, hommes d'Église et maréchaux affluent des quatre coins du royaume pour venir festoyer au palais, où le roi a convié tous les grands de ce monde. Les présents offerts au couple royal rivalisent de splendeur et d'extravagance, chaque invité voulant, par son étrenne, attester de sa grandeur et de son importance. Au milieu de la nuit, Johann Kepler, mathématicien de la cour et protégé du roi, se joint aux convives, qui s'insurgent de le voir se présenter avec pour unique cadeau, un flocon de neige posé au creux de son gant. Flocon que Kepler invite le roi à observer de plus près pour découvrir que la Terre n'est pas le centre de l'Univers, tout comme l'homme n'est pas au coeur de la Création et s'avère être l'égal des bêtes. Des affirmations jugées hérétiques par les dévots, que leur bêtise et leur vanité conduisent à leur perte alors que les animaux mis à rôtir s'effondrent dans l'âtre, provoquant un brasier dans lequel tous périssent, n'ayant pas réussi à ouvrir les portes coincées par la neige. À l'exception de Kepler, qui s'échappe par une issue providentielle et qui observe ce brasier humain en se demandant: "Augure-t-il d'une fin, / Ou bien d'un commencement?" [SDM]

Un album proposant une adaptation d'un conte fantastique du 17e siècle, qui témoigne d'une époque trouble où hommes de science et de religion s'affrontaient dans de violentes joutes verbales. De nombreuses questions philosophiques sont soulevées au fil de ce texte versifié au langage soutenu et tout en finesse, qui dénonce l'orgueil et la vanité des hommes, qui se croient supérieurs aux autres êtres vivants et croient pouvoir maîtriser la puissance de la nature. Des dessins à la plume, évoquant à la fois la tradition graphique du 18e siècle et les gravures du 19e, prolongent magnifiquement le texte en donnant à plonger dans des compositions enluminées, réalisées avec une finesse et une minutie qui forcent l'admiration. Beaucoup de puissance et de détails dans ces tableaux qui se déploient sur d'entières pages et doubles pages afin d'immerger le lecteur dans un palais rempli à craquer d'invités engoncés dans leurs fraises, tandis que le flocon, sur lequel on effectue des plans rapprochés, ouvre la fenêtre sur un monde floral renfermant toute la beauté du monde et ses habitants animaliers. Une lecture à méditer. [SDM]