Un jour d'été où elle s'ennuie un peu, la narratrice questionne sa maman sur le métier qu'elle exerçait avoir d'avoir ses quatre enfants. Après avoir réfléchi quelques instants, sa mère frotte ses mains sur son tablier et, le visage éclairé par un soleil invisible, elle entreprend de lui réciter ##Le pélican##, d'Alfred de Musset. La fillette est subjuguée par cette maman-surprise, une maman magicienne, qui a le pouvoir de dessiner des paysages et de faire voler les oiseaux avec sa seule voix. Dans les jours qui suivent, l'héroïne apprend par coeur ce poème "grave et cruel, mais tellement beau à la fois", qui se solde par la mort du volatile blessé. Un poème qui trouve un écho particulier dans sa vie à la fin des vacances, alors que sa maman décède du cancer. La peine est immense et foudroyante pour la fillette de dix ans, qui regrette par ailleurs que la défunte se soit envolée sans lui révéler l'auteur et le titre du poème qu'elle aime tant. Ce dernier lui livrera cependant tous ses secrets, bien des années plus tard, lorsqu'elle s'inscrira en littérature à l'université... [SDM]

Un album autobiographique profondément émouvant au fil duquel l'auteure d'une sensibilité à fleur de peau confie le grand drame de son enfance (celui qui est à l'origine de sa vocation d'écrivaine) tout en rendant hommage à sa maman et à Alfred de Musset, mais également à la poésie et à ces "mots musique" qui ont le pouvoir de chasser l'ennui, de nous transporter ailleurs, de faire naître des émotions et de nous donner l'impression de vivre plus intensément. Ceci sans oublier ces passeurs d'histoires et ces conteurs, qui font découvrir aux jeunes lecteurs la magie de la littérature et leur donnent envie de s'y intéresser à leur tour. De grands extraits du ##Pélican## (qui est retranscrit en entier en fin d'ouvrage) sont intégrés avec fluidité au texte et, si ce poème n'est pas particulièrement facile d'accès, les échanges entre la jeune narratrice et sa maman en éclairent ingénieusement le sens à l'intention des jeunes lecteurs. Une célébration de la vie, à la fois belle et tragique, et une réflexion sur les magnifiques surprises qu'elle réserve parfois s'esquissent par ailleurs au fil de ce récit témoignage, dont l'émotion est superbement appuyée par des peintures vibrantes où les scènes du quotidien de la jeune fille et de sa maman s'entremêlent à des tableaux relatant les derniers instants du pélican. Les destins de la narratrice et du volatile finissent par s'entremêler dans un mélange de légèreté et de drame, le tout campé dans des paysages d'une grande puissance symbolique où littoraux marins et vallons se métamorphosent au gré des saisons. Celles de la nature et celles du coeur. "La peine diminue, mais ne disparaît pas complètement", nous rappelle l'auteure. Seulement, on apprend à composer avec elle et elle contribue à forger ce que nous sommes. Une oeuvre magnifique, livrée dans un ouvrage de très belle facture à la reliure duquel on a intégré un ruban en satin faisant office de signet. [SDM]