Pourquoi les lapins ne fêtent pas leur anniversaire / Antonin Louchard.

Par un beau matin d'automne, Zou (de son vrai nom Glpmftpgrzou) décide de quitter sa famille et son petit village de Provence pour aller explorer le vaste monde. En fredonnant une poésie de son invention, le jeune lapin blanc file à vive allure jusqu'à ce qu'une rivière freine son élan. Ne disposant d'aucune connaissance en matière de navigation ou de natation, il entreprend une traversée hasardeuse en sautillant sur les rochers et, lorsqu'il se retrouve à l'eau, il réussit à agripper un rondin à bord duquel il descend le cours d'eau dans un épuisant rodéo. Secouru par la brigade fluviale des castors, le voyageur reprend son périple et débouche bientôt dans une vaste prairie occupée par de nombreux lapins, qui détalent en le voyant arriver. "Le museau protégé par une étoffe" (p. 26), deux d'entre eux osent cependant s'approcher de lui pour le mettre en quarantaine dans un vieux cabanon. Au terme de quarante jours passés à philosopher sur son existence, Zou est libéré et conduit à un vieux léporidé, qui lui apprend que sa petite communauté vit en réclusion depuis qu'un virus extrêmement contagieux s'est répandu dans la campagne, les conduisant à se réfugier derrière une épaisse barrière de ronces pour leur propre sécurité. Or, le régime mis en place par l'Ordre de la carotte bleue du Grand Bagadou a tout de la dictature, si bien que ses sujets craignent désormais tout ce qui vient du monde extérieur... [SDM]

Un album faussement naïf, porté par un humour décapant et cynique, qui célèbre l'importance de la liberté et le bonheur de la découverte. Ceci au gré des aventures d'un lapereau assoiffé d'aventure, qui réussit finalement à s'enfuir et à reprendre son exploration du vaste monde. "Un monde où, l'espérance d'un lapin à l'état sauvage ne dépassant guère un an ou deux, il n'aura jamais l'occasion de fêter son anniversaire. Mais un monde où palpitera chacun des instants d'une vie trop brève." (p. 55). Dans un texte au vocabulaire riche et soutenu, émaillé d'adresses au lecteur et de clins d'oeil à l'actualité (dont la pandémie de Covid-19), l'auteur dénonce au passage les régimes dictatoriaux et stimule la réflexion sur le bonheur en questionnant différents choix de vie. Vaut-il mieux multiplier les expériences et profiter de tout ce que le monde a de beau à offrir quitte à vivre un peu moins longtemps ou prolonger son espérance de vie de quelques années en restant coupé du monde extérieur au risque de devenir xénophobe? Des aquarelles de synthèse, rehaussées de vigoureux traits de pastel noir un peu brouillons, animent le tout avec fraîcheur et légèreté en campant le mignon lapereau dans des décors provençaux et bucoliques d'une belle richesse. Un ouvrage dense, que l'on réservera à des lecteurs matures et aguerris à compter de 8-9 ans. [SDM]