Cécité Malaga / Benjamin Lacombe.

Une jeune fille au teint de porcelaine avance sur un mince fil tendu à vingt mètres au-dessus des têtes des spectateurs. Ses yeux opalins ne laissent transparaître aucune émotion tandis que l'intensité du vide accompagne sa traversée, qui se termine en triomphe. Les gens murmurent son histoire, comment elle a gagné les chapiteaux, vêtue uniquement de haillons, pour devenir l'artiste étoile du cirque de monsieur Franconi. Un soir, la dénommée Cécité Malaga s'arrête net sur le fil et survient alors la chute, mais aussi, les souvenirs: l'odeur des pins, leur couleur verte, les visages de ses parents et le terrible accident de route, qui lui a coûté sa famille et sa vue... [SDM]

Si la funambule que l'on suit sur son étroit fil est aveugle, ce magnifique album tâche de raviver tous les autres sens du lecteur avant que la vue explose en un bouquet de couleurs lorsque Cécité Malaga chute. Pour souligner son handicap, les délicates peintures marquées d'ombre se dissimulent d'abord sous des papiers calques d'un noir opaque, pour que ceux-ci s'éclaircissent par la suite, tout comme les illustrations, qui adoptent un style surréaliste afin d'allégoriser la perte de la vue de la jeune fille. Benjamin Lacombe se prête à un véritable exercice artistique pour démontrer à quel point ce sens lui est essentiel, tant pour son oeuvre et pour sa vie personnelle. [SDM]