Une série gentiment subversive à l'humour mordant, qui célèbre l'audace, la volonté et le caractère bien trempé, voire légèrement rebelle, d'une héroïne très sûre d'elle, qui n'en fait qu'à sa tête en se moquant des conventions et de ce que pensent les autres. Sa petite boule de poils et son poisson (dont les pensées sont rapportées dans des phylactères) apprennent ici à s'affirmer et à être fiers de ce qu'ils sont, alors que les photos et petits films croqués par les passants font rapidement le tour du monde et font d'eux les vedettes du journal télévisé de vingt heures. Le lendemain, c'est ainsi débordant de fierté que Charlus pousse lui-même Gaston dans sa poussette. Si le récit lutte efficacement contre les idées reçues tout en incitant jeunes lectrices à s'amuser et à être elles-mêmes sans se soucier du regard des autres, on pourra cependant regretter certains propos maladroits tenus à propos du maquillage, notamment lorsque Charlus refuse celui que lui propose la fillette: "M'étonne pas de toi, soupire Rosemonde. T'es aussi triste et sérieux qu'un fer à repasser" (p. [7]). Ce qui pourrait donner à penser aux jeunes filles qu'elles sont fades et ennuyantes au naturel. Autrement, le texte, essentiellement constitué des dialogues échangés entre les deux héros, révèle toute sa saveur lors d'une lecture à voix haute et est efficacement porté par les pétillantes compositions de Badel. Dans un heureux mariage de sémillants traits de plume et de lavis à dominante pastel, ce dernier donne vie (avec un soupçon de caricature) à deux héros dont les mimiques et postures hilarantes sont au centre des illustrations, à commencer par celles, anthropomorphisées, du toutou. Le décor est quant à lui rapidement planté dans une ville aux accents français. [SDM]